Il y a des gens qui ont le chic pour employer des mots incompréhensibles. Histoire de faire chier ? pas du tout ! Histoire d'étaler une culture ? même pas ! Plutôt pour obliger l'autre à apprendre et comprendre.
Ainsi le mot sprezzatura ; inconnu au bataillon des mots de mon vocabulaire. Allez cherche !
Voilà donc que je découvre que Baldassare Castiglione a employé ce mot sprezzatura (nonchalance) dans Le Livre du courtisan, en 1528, comme étant l'une des vertus essentielles de l'homme de cour.
"Mais j’ai déjà souvent réfléchi sur l’origine de cette grâce et, si on laisse de côté ceux qui la tiennent de la faveur du ciel, je trouve qu’il y a une règle très universelle, qui me semble valoir plus que tout autre sur ce point pour toutes les choses humaines que l’on fait ou que l’on dit, c’est qu’il faut fuir, autant qu’il est possible, comme un écueil très acéré et dangereux, l’affectation, et pour employer peut-être un mot nouveau, faire preuve en toute chose d’une certaine sprezzatura, qui cache l’art et qui montre que ce que l’on a fait et dit est venu sans peine et presque sans y penser."
Pour l'auteur, il importe "de fuir le plus que l'on peut, comme une très âpre périlleuse roche, l'affectation : et pour dire, peut-être, une parole neuve, d'user en toutes choses d'une certaine nonchalance, qui cache l'artifice, et qui montre ce qu'on fait comme s'il était venu sans peine et quasi sans y penser".
Il conviendrait donc d'être nonchalant, mais sans connotation négative, de cultiver une certaine désinvolture mais sans mépris, une élégante négligence... l'opposé du bling-bling actuel, le contraire de l'ostentation.
La sprezzatura serait-elle une politesse, une façon aimable de garder ses distances, une morale quelque peu ascétique, une volonté de rester détaché, de ne pas prendre part à la violence, à la bassesse ? Est-ce une attitude morale, une forme de grâce, une expression de sa liberté d'agir, de penser ? Une manière polie de tenir les désirs à distance ?
Ce que je découvre surtout, à mon plus grand plaisir, c'est que, tout comme le dilettantisme, la sprezzatura a un rapport avec l'art, notamment l'art de la Renaissance. Cette aisance, cette manière d'être, ce naturel, trouve sa manifestation la plus flagrante dans le portrait (1515-1516) de Castiglione peint par Raphaël ; on trouve la simplicité de la pose, le souci de l'harmonie, le goût de l'équilibre, la recherche d'une position médiane entre l'excès de naturel et l'excès d'artifice. "Le vrai art est celui qui ne semble être art", affirmait Castiglione.
Heureux ceux ou celles qui compteraient comme ami un être qui serait à la fois courtois, agirait en dilettante et ferait preuve de sprezzatura ! Si c'est votre cas, un conseil : cultivez soigneusement cette amitié.
Le chemin est long. L'art est difficile
Rédigé par : JeanBalthazar | 04 mai 2011 à 13:58
Et la balade en vaut la peine... même si la critique est aisée !
Rédigé par : Caritate | 04 mai 2011 à 14:29
"Tu ne tueras point" englobe la notion de médisance. ne pas critiquer autrui, est-ce être nonchalant? A nonchalance je préfère le joli mot de gentillesse
Rédigé par : Valérie Pineau-Valencienne | 05 mai 2011 à 12:05