La musique
(Baudelaire)
La musique souvent me prend comme une mer !
Vers ma pâle étoile,
Sous un plafond de brume ou dans un vaste éther,
Je mets à la voile;
La poitrine en avant et les poumons gonflés
Comme de la toile
J'escalade le dos des flots amoncelés
Que la nuit me voile ;
Je sens vibrer en moi toutes les passions
D'un vaisseau qui souffre ;
Le bon vent, la tempête et ses convulsions
Sur l'immense gouffre
Me bercent. D'autres fois, calme plat, grand miroir
De mon désespoir !
La passion apporte la souffrance ! — Qui apaisera
Le cœur navré qui a trop perdu ?
Où sont-elle les heures si rapidement envolées ?
Vainement tu avais choisi le beau !
Ton esprit est troublé, ton action confuse ;
Le monde sublime, comme il échappe aux sens !
Alors s’élève une musique aux ailes d’ange,
Où les sons par myriades s’entrelacent aux sons,
Pour pénétrer complètement la nature de l’homme,
Et l’inonder du sentiment de l’éternelle beauté ;
L’œil se mouille, il sent dans une extase suprême
La valeur divine des sons comme des larmes.
Et le cœur ainsi soulagé s’aperçoit
Apaisement
Qu’il vit encore et bat, et voudrait battre
Pour s’offrir, dans sa gratitude,
Lui-même en échange de la somptueuse aumône.
Car il goûtait alors — oh ! puisse-t-il éternellement durer —
Le double bonheur de la musique et de l’amour !
Goethe — Trilogie de la passion
Rédigé par : Ditch | 23 mars 2011 à 23:11
Amour et musique, quel délice ! Peut-on rêver mieux ? Plus un peu de philo, un chat... il est si simple d'être heureux.
Rédigé par : Caritate | 24 mars 2011 à 08:58
Puisque l'on parle de trilogie de la passion, en dehors de l'amour & de la musique, vous prévoyez quoi en 3 ; j'ai peur de m'ennuyer ou d'être déçu avec les deux premiers plats.
Rédigé par : JeanBalthazar | 24 mars 2011 à 19:16
JB, si je n'étais pas si polie, je te répondrais : Va te faire foutre !
Rédigé par : Caritate | 24 mars 2011 à 22:39
Caritate, j'adore quand une femme me parle ainsi d'amour et manie la prétérition, aussi bien que s'il s'agissait de la bite de son collègue de bureau dans un 5 à 7 humide !
Moi-même assez courtois, pour ce qui est de foutre comme du reste, je fais passer les dames en premier avant de penser à moi.
La sublime modestie d'une générosité sans pareille m'est parfois pesante. Crois moi, l'éjaculation polie est un art délicat.
Rédigé par : JeanBalthazar | 25 mars 2011 à 07:23
JB, si l'amour t'ennuie, si la musique t'ennuie, quel plat souhaiterais-tu déguster ? Je crains qu'aucun mets ne soit assez succulent pour te sortir de ton ennui ni qu'une activité ne soit assez exquise pour t'éviter une déception !
Rédigé par : Caritate | 25 mars 2011 à 07:51
Pour me faire pardonner mes quelques mots acides, voici quelques plaisirs poético-culinaires :
Chairs sucrées et juvéniles,
Que l’on dévore avidement
Les soirs de printemps,
De manière tendre et subtile.
La passion d'un instant
S’est répandue dans notre lit,
Inondant mes sens épanouis
Oubliant les risques présents.
Tu me sucres, je te goûte,
Morceau de désir fondant,
J’acclame ce dessert virevoltant
Perlé de petites gouttes.
Rédigé par : Caritate | 25 mars 2011 à 08:17
L'amour, la musique et autres : le monde sensible reste l'essentiel quand on élague le superficiel ; il n'empêche, certains peuvent avoir la crainte que cela tourne à la distillation aussi méticuleuse que ennuyeuse.
Reconnaître ses peurs c'est déjà les affronter pour espérer les résoudre.
Rédigé par : JeanBalthazar | 25 mars 2011 à 08:49
Addendum : Caritate, tu connais sans doute le principe d'éviction/d'élection.
Les contenus peuvent être ennuyeux, les contenants décevants ; Comment ne pas vouloir se préserver de cela ? D'évidence, l'amour, éros & agapé, le goût du beau, à chacun le sien, l'envie de légèreté, qui offusque l'épaisseur mais souligne la profondeur, peuvent très utilement accompagner la vie ordinaire des quidams que nous sommes.
Par nécessité, le regard sur l'horizon ne doit pas faire oublier les pieds sur terre. Il ne s'agit pas d'opter pour la comédie ou le drame, seulement de considérer avec simplicité la part de tragique qu'il y a à exister. Cela n'empêche pas de jouir, cela empêche d'oublier que l'instant qui palpite ne préjuge pas de l'instant suivant, du meilleur comme du pire.
A l'essentiel, c'est notre envie qu'il faut questionner ("le désir" pour nos pseudo-freudolacanojungien de comptoir), y compris l'envie d'avoir envie comme le chante si bien le dernier grand philosophe franco-belge cocaïnomane.
Caritate, non tu ne m'ennuies pas ni me déçois, mais pauvre de moi si je fais une exception.
Rédigé par : JeanBalthazar. | 26 mars 2011 à 12:06
JB, tu me donnes parfois "envie" d'un blog à 4 mains. Ainsi ce matin, j'ai commencé une note sur l'envie, mais fus interrompue par des contingences bassement ménagères. Affaire à suivre donc... Et je m'interroge sur la différence entre "envie" et "désir", mais le sujet est certainement trop vaste pour être réduit à une note. Un sujet à débattre au comptoir peut-être ?
Rédigé par : Caritate | 26 mars 2011 à 13:36
Est-il possible de résoudre quoique ce soit en espérant ? L’espoir est-il un remède ? Il peut s’avérer dangereux en ce sens que l’on compte sur quelqu’un ou quelque chose d’autre pour résoudre nos problèmes et l’on ne cherche pas à réagir.
A quoi ressemblerait une vie passée à espérer...
Rédigé par : Ditch | 26 mars 2011 à 14:38