Le renard disait au Petit Prince : "Apprivoiser ? C'est une chose fort oubliée, cela veut dire : créer des liens." Ces liens plus subtils que le fil d'Ariane nous conduisent à tout ce qu'est l'Humanité, notre humanité. Vouloir la cantonner à la femme serait indigne de notre entendement. Cette notion doit s'ouvrir à l'ensemble humain, homme ou femme, à l'ensemble des éléments vivants, végétaux ou minéraux, en somme l'ensemble de notre cosmos.
Toujours pour essayer de retrouver l'essentiel ce qui était et qu'au tréfonds de nous-mêmes nous portons toujours, mais que par pudeur idiote nous refoulons, nous nous devons de rechercher dans l'anthropologie l'exemple qui nous ramène à notre notion d'humanité. En effet, à l'heure actuelle, dans quelques tribus d'Afrique, dans le sud de l'Inde, chez les Indiens caraïbes, il existe une série de rites en relation avec l'accouchement concernant le comportement du père : c'est la couvade.
Au moment de la naissance, le père se met au lit et observe un régime alimentaire rigoureux ; il se comporte comme si c'était lui qui subissait les douleurs de l'enfantement. Revêtu d'habits de femmes, il reste au lit pour s'occuper du bébé et être choyé. Arrive le moment où le héros bondit de son tombeau avec la pleine lune : le temps de l'épreuve est passé ; il s'avance à la rencontre de sa nouvelle vie, père patenté, et cette nuit-là le village entier fête ses relevailles.
Exotisme, c'est la première réflexion que l'on peut faire. Mais lorsque l'on sait que ces mêmes rites se sont perpétuer dans nos provinces des Pyrénées, Bourgogne et Pays Basque jusqu'au XIXe siècle, on est tenté de réfléchir à ce qu'étaient nos communautés il y a une centaine d'années. Lorsque la rentabilité et le prix d'un individu n'était pas répertoriés au catalogue de la productivité.
Vercors disait que "l'humanité n'est pas un état à subir, c'est une dignité à conquérir". Plus que jamais, nous nous devons à cette humanité si nous voulons que l'enfant Phoenix du monde puisse rejailler de ses cendres par l'amour.
Enfant, j'écoutais lors des repas familiaux mon père et mon grand-père se raconter des anecdotes des guerres qu'ils avaient faites, la Grande Guerre pour le papy, la seconde guerre pour mon père. Il fallait qu'ils aient un peu forcé sur la dive bouteille pour en arriver à ces confidences, car c'était un sujet qu'ils nauraient jamais abordé à jeun devant un enfant. Ils étaient alors dans mon âme d'enfant des géants, des centaures, des braves à trois poils alors qu'ils n'étaient que des hommes faisant leur devoir en essayant de sauver leur peau. Ils étaient des hommes rudes, droits et furent des pères dans toutes l'acception du terme.
Je leur dédie ce poème de Hugo:
Mon père, ce héros au sourire si doux,
Suivi d’un seul housard qu’il aimait entre tous
Pour sa grande bravoure et pour sa haute taille,
Parcourait à cheval, le soir d’une bataille,
Le champ couvert de morts sur qui tombait la nuit.
Il lui sembla dans l’ombre entendre un faible bruit.
C’était un Espagnol de l’armée en déroute
Qui se traînait sanglant sur le bord de la route,
Râlant, brisé, livide, et mort plus qu’à moitié.
Et qui disait: ” A boire! à boire par pitié ! “
Mon père, ému, tendit à son housard fidèle
Une gourde de rhum qui pendait à sa selle,
Et dit: “Tiens, donne à boire à ce pauvre blessé. “
Tout à coup, au moment où le housard baissé
Se penchait vers lui, l’homme, une espèce de maure,
Saisit un pistolet qu’il étreignait encore,
Et vise au front mon père en criant: “Caramba! “
Le coup passa si près que le chapeau tomba
Et que le cheval fit un écart en arrière.
” Donne-lui tout de même à boire “, dit mon père.
Rédigé par : Le Nain | 12 février 2010 à 16:46
Ma mère se plaisait à transformer des derniers vers en disant :
"Le coup passa si près que le cheval tomba et que le chapeau fit un écart en arrière".
Rédigé par : Caritate | 12 février 2010 à 19:34