C'est branle-bas de combat dans la cuisine. Ils se sont tous donné rendez-vous en cette froide journée d'hiver, ayant accepté de mettre la main à la pâte... feuilletée pour confectionner la traditionnelle galette des rois.
Gaspard travaille le beurre en pommade, vigoureusement, dans un grand saladier. Y incorpore le sucre, puis l'oeuf. Armé de son fouet, par des mouvements réguliers du poignet, il n'a de cesse de rendre cet appareil bien mousseux ; il ajoute la vanille dont il a gratté la gousse pour en extraire le meilleur, un peu de rhum, la poudre d'amande, pour que sa préparation devienne une délicieuse crème... qu'il nomme frangipane car l'odeur lui rappelle celle des frangipaniers qui ont embaumé son enfance ! Plus tard, bien plus tard, cette crème garnira aussi les Pithiviers.
Balthazar, lui, a été chargé de confectionner la pâte feuilletée. Tâche bien difficile, il se dit que ses compères l'ont pris pour leur nègre, qu'il aurait pu l'acheter au supermarché, on en fait de très bonnes congelées. Pour sa réalisation, il a dans un premier temps déposé la farine en fontaine, y ajouter du sel fin, de l'eau à température tempérée ; malaxé du bout des doigts pour obtenir une pâte homogène. Il a placé cette abaisse au frigo pour une demi-heure, confortablement revêtue d'un film alimentaire. Trente minutes plus tard, il l'a aplatie, a posé le beurre (à température ambiante) au milieu de la pâte. Rabattu un côté, tap tap le rouleau pour répartir le beurre, rabattu le côté opposé, tap tap le rouleau, rebelotte pour les deux autres côtés. Ensuite, il lui a fallu abaisser une première fois la pâte, lui faire faire un quart de tour (dans le sens inverse des aiguilles d'une montre, très important !), abaisser à nouveau, replier, abaisser, un quart de tour, replier, abaisser. Ces deux tours effectués, nouveau stage au réfrigérateur pour une demi-heure encore. Puis le combat reprend : abaisser, replier, abaisser, replier, le tout six fois. Une bonne pâte feuilleté doit comporter au moins six tours. Un tour de manège pour elle, une séance de gymnastique pour le marmiton. Sagement déposée au frigo, où elle se gèle, elle attend pour rejoindre sa destination finale, où elle va prendre, mais elle l'ignore, un sérieux coup de chaud !
Melchior n'a plus qu'à monter la galette. Il sépare la pâte en deux moitiés égales (mais une un peu plus que l'autre), en fait deux cercles en les étalant sur une surface farinée. Il a aussi mélangé un jaune d'oeuf à un peu d'eau pour faire la dorure. Sur le premier rond, il dispose la frangipane, bien au centre, badigeonne le bord délicatement du bout de son pinceau. Alors que ses deux compères ont le dos tourné, il s'empresse de dissimuler une fève dans la préparation. Vite, il dépose le second cercle de pâte, soude méticuleusement les bords, donne un coup de pinceau sur la surface pour faire joli. Après quelques instants de repos au frais, la galette est prête à passer au four, où elle se fera dorer la pilule pendant une bonne demi-heure.
Voilà nos trois compères attablés devant la galette encore tiède. Ils déplorent l'absence d'Artaban, alité, terrassé par cette saleté de grippe. Le mois dernier, il a refusé de se faire vacciner malgré les conseils prodigués à grands renforts de spots télévisés. Maintenant, il a beau ingurgiter tout le Tamiflu dont son pays s'est doté, rien n'y fait ; avec cette AH1N1, il est HS. Ah ! il ne fait pas le fier d'avoir manqué à son devoir de galette et succombé à cette épidémie !
Ils s'apprêtent à découper la galette, curieux de savoir qui découvrira la fève, qui sera le roi de la fête. Tout à coup, on frappe à la porte. Quel est cet importun ? C'est une importune. Elle arrive tout droit d'Aix-en-Provence, elle porte le joli prénom de Fanny. Elle est simplement - et seulement - vêtue d'une longue tunique blanche, retenue sur l'épaule d'une boucle d'or. Elle détache la fibule, la robe tombe à ses pieds, la dévoilant dans toute sa beauté nue - manifestation de ce qui était caché !
Dans un geste de que l'on croirait de pudeur, elle fait volte-face. Ils n'ont plus que son dos à contempler. Et c'est totalement abasourdis qu'ils entendent ces mots :
"Allez, embrassez-moi", dit-elle en leur tendant sa croupe.
Cette épiphanie restera longtemps gravée dans la mémoire des trois mages !
bravo pour la recette...
c'est le jour des recettes
A bientôt pour une nouvelle...
Sur Marsyas2
Rédigé par : www.facebook.com/profile.php?id=100000604775750 | 06 janvier 2010 à 22:49