Les Poilus se souviennent, ici
Chanson anonyme écrite sur la musique de Bonsoir m'amour (Adelmar ou Charles Sablon, le père de Germaine et de Jean) à laquelle on doit sans doute le succès de cette valse dont les paroles, aujourd'hui, font presque sourire. Son texte fut recueilli par Paul Vaillant-Couturier (1892-1937), avocat puis journaliste et finalement député, qui, entré dans la guerre avec un certain enthousiasme, en sortit socialiste, revendicateur même mais surtout pacifiste. Sous-officier, en 1914, dans l'infanterie, il termina la guerre capitaine dans les chars d'assaut non sans avoir été blessé, gazé, cité à l'ordre de la Nation mais aussi condamné cinq fois pour son action en faveur de la paix. Vivement condamné par les autorités militaires (qui offrirent une petite fortune à celui qui en dénoncerait l'auteur) elle fut connue sous plusieurs noms dont : Les sacrifiés, Sur le plateau de Lorette et La chanson de Lorette.
Quand au bout d'huit jours, le r'pos terminé,
On va r'prendre les tranchées,
Notre place est si utile
Que sans nous on prend la pile.
Mais c'est bien fini, on en a assez,
Personn' ne veut plus marcher,
Et le coeur bien gros, comm' dans un sanglot
On dit adieu aux civ'lots.
Même sans tambour, même sans trompette,
On s'en va là haut en baissant la tête.Refrain
Adieu la vie, adieu l'amour,
Adieu toutes les femmes.
C'est bien fini, c'est pour toujours,
De cette guerre infâme.
C'est à Craonne, sur le plateau,
Qu'on doit laisser sa peau
Car nous sommes tous condamnés
C'est nous les sacrifiés !C'est malheureux d'voir sur les grands boul'vards
Tous ces gros qui font leur foire ;
Si pour eux la vie est rose,
Pour nous c'est pas la mêm' chose.
Au lieu de s'cacher, tous ces embusqués,
F'raient mieux d'monter aux tranchées
Pour défendr' leurs biens, car nous n'avons rien,
Nous autr's, les pauvr's purotins.
Tous les camarades sont enterrés là,
Pour défendr' les biens de ces messieurs-là.au RefrainHuit jours de tranchées, huit jours de souffrance,
Pourtant on a l'espérance
Que ce soir viendra la r'lève
Que nous attendons sans trêve.
Soudain, dans la nuit et dans le silence,
On voit quelqu'un qui s'avance,
C'est un officier de chasseurs à pied,
Qui vient pour nous remplacer.
Doucement dans l'ombre, sous la pluie qui tombe
Les petits chasseurs vont chercher leurs tombes.Refrain
Ceux qu'ont l'pognon, ceux-là r'viendront,
Car c'est pour eux qu'on crève.
Mais c'est fini, car les trouffions
Vont tous se mettre en grève.
Ce s'ra votre tour, messieurs les gros,
De monter sur l'plateau,
Car si vous voulez la guerre,
Payez-la de votre peau !
Additif pour mes fidèles qui m'ont fort judicieusement fait remarquer que c'est aujourd'hui la saint Martin. Faute de vous embarquer dans l'île, je vous embarque dans une chanson que j'aime, je vous embarque avec un chanteur que j'aime.
C'était aussi, avant la grande guerre, une des plus grandes fêtes de saint en France, la Saint Martin (d'hiver). Il y avait un été, car il faisait souvent beau. C'était l'été de la Saint Martin.
L'été indien l'a remplacé.
Rédigé par : Le Nain | 11 novembre 2009 à 06:02
Bonjour...
Et merci de ces "images douces-amères".
On parle bien toujours chez moi de l'été de la Saint Martin. Quant à la grande guerre,si les pauvres témoignages dont il me semble me souvenir sont infiniment plus dignes que ceux de la suivante, j'en garde une bouleversante impression...la der des der...
Au moins qu'ils reposent en paix.
Rédigé par : Le fils Goriot | 11 novembre 2009 à 08:09
Le dormeur du val
C'est un trou de verdure où chante une rivière,
Accrochant follement aux herbes des haillons
D'argent ; où le soleil, de la montagne fière,
Luit : c'est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
Dort ; il est étendu dans l'herbe, sous la nue,
Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.
Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
Nature, berce-le chaudement : il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.
Rédigé par : Géronte | 11 novembre 2009 à 09:06
Géronte, merci de ce poème qui est l'un de mes préférés depuis de longues années.
Rédigé par : Caritate | 11 novembre 2009 à 10:37
Moins poétique, mais aussi émouvant pour moi, une chanson de poilu que me chantait mon grand-père,enrôlé dans un régiment de chasseurs alpins corses, et blessé dans les Ardennes en 1918.
"La viande qui sent,
la soupe qui pue,
les asticots qui s' baladent dedans,
la mouche qui tombe dans le rata,
tout ça c'est pour le sodat!"
lenonce
Rédigé par : lenonce | 11 novembre 2009 à 19:38
Vos témoignages sont terrifiants d'humanisme.
Ils avaient 20 ans...
Rédigé par : Le fils Goriot | 11 novembre 2009 à 21:55
Clin d'oeil !
Jean Ferrat, Léo Ferré et, dans une moindre mesure, Hugues Aufray, se sont installé dans les Cévennes...en voisins immédiats de membres de ma famille.
On oublie beaucoup de choses. Mais ce sont de merveilleux faiseurs de rêves qui ne devraient jamais quitter leur guitare ou leur piano.
A vous...
Rédigé par : Le fils Goriot | 12 novembre 2009 à 05:06