Je n'ai pas connu mon grand-père paternel, je sais juste qu'il s'appelait Romain. Il avait eu le "courage" d'entrer dans une famille de femmes, où régnait le matriarcat. Dans cette famille, les filles ont toujours été en large supériorité numérique. Cela ne lui a pas porté chance. Il épousa une dénommée Céline, ma grand-mère, l'aînée de quatre soeurs. Ce n'étaient pas Les Quatre Filles du Dr March mais les quatre filles du père Henri !
Le 15 septembre 1914, il est mort pour la France, à Pargny-sur-Saulx, dans la Marne, et a reçu à titre posthume la croix de guerre avec étoile de bronze. Né le 10 mai 1888 à Annay-sous-Lens, il avait donc 26 ans à sa mort, laissant une veuve de 20 ans, et deux fillettes âgées respectivement de deux ans et de trois semaines, sa seconde fille qu'il ne connut jamais, et à qui l'on attribua le prénom de Romaine ; c'était ma mère.
Je ne sus jamais si c'est en son honneur que j'eus droit durant toute mon enfance et mon adolescence à des promenades dominicales qui me faisaient "gravir en venant de la plaine de Lens une colline qui culminait à 165 mètres : la ligne de crêtes allant de Vimy à Souchez, lieu de combats acharnés en 14-18. Vimy et son célèbre monument canadien, érigé à la glore de nos alliés, où sont conservés les cratères d'obus et les tranchées (avec parfois moins de 100 mètres entre les lignes adverses), et plus loin Notre-Dame-de-Lorette, sur la commune de Souchez, et où l'on peut voir un cimetière de 19 000 tombes (22 000 soldats inconnus y sont également ensevelis." [GG, Soldat de la Grande Guerre, 1914-1918, 11 novembre 2008].
Ce que je sais, c'est que je dois l'inspiration de cette note en grande partie au Grincheux, que je remercie, que j'ai pillé tant ce qu'il y racontait correspond à ce que j'ai vécu dans ma jeunesse. Je déplore que mon grand-père, mort prématurément, n'eut jamais la possibilité, comme le sien, de nous égrener ses souvenirs de poilu, des faits épiques survenus ici et ailleurs (Chemin des Dames, taxis de la Marne, tranchée des baïonnettes, Douaumont, Fort de Vaux…)
Et il me reste aujourd'hui une certaine nostalgie de ces dimanches, alors que, adolescente, j'avais l'espoir, au milieu de ces champs de ruines, de rencontrer un ami cher, les pulsions de vie étant plus fortes que celles de mort, tout au moins quand on a la jeunesse et l'avenir devant soi !
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