Peut-on évoquer le prénom Béatrice sans penser à La Divine Comédie, de Dante Alighieri, poème épique et religieux écrit en italien, composé de trois cantiques : l'Enfer, le Purgatoire, le Paradis. On ne sait si Béatrice eut une identité civile, ce qui est certain, c'est son importance au niveau symbolique, supra-humain, spirituel voire divin. La première rencontre de Dante avec Béatrice aurait eu lieu alors qu'elle avait neuf ans, puis la deuxième neuf années plus tard. Neuf est un nombre mystérieux, dont "Béatrice est particulièrement aimée" ; Béatrice, "qu'il faut nommer Amour", dit Dante. Neuf est un triple ternaire, le nombre des hiérarchies angéliques. Neuf est la totalité des trois mondes, chacun étant représenté par un triangle. Le neuf symbolise le retour du multiple à l'unicité, à la rédemption. Neuf annonce à la fois une fin et un recommencement.
Béatrice et Dante au Paradis
La Divine Comédie est le voyage initiatique du poète, sa progression vers la connaissance. Virgile, son poète favori, l'accompagne dans l'Enfer. Au Purgatoire, Béatrice vient le chercher pour lui servir de guide et "sortir vers les étoiles". Béatrice fait passer Dante au Paradis, constitué de neuf cercles dirigés vers le haut. Béatrice le quittera lorsqu'il atteindra l'Empyrée. Dante finit par s'éteindre en Dieu, en Dieu amour, en Dieu connaissance.
Béatrice est revêtue de trois couleurs : vert, blanc, rouge - sel, soufre et mercure - sagesse, force et beauté - foi, espérance et charité - l'emblème de la Trinité.
La Divine Comédie est une allégorie métaphysico-ésotérique qui voile et expose les phases par lesquelles passe la conscience de l'inité pour atteindre l'immortalité.
Dans un numéro spécial du Nouvel Obs, intitulé A la poursuite du bonheur, Philippe Sollers a écrit un article, "Eden caché", que je vous conseille de lire toute affaire cessante, si vous le trouvez encore en kiosque car il date de décembre.
"L'Amor muove il sole e l'altre stelle", ainsi Dante termine-t-il sa Divine Comédie. Serait-ce possible alors ?
Le christ serait mort à la neuvième heure.
"Ils furent sans péchés ; et ils ont des mérites ;
ce n'est pas assez car ils n'ont pas eu le baptême
qui est la porte de la foi que tu as ;
et s'ils vécurent avant la loi chrétienne,
ils n'adoraient pas Dieu comme il convient ...
Pour un tel manque, et non pour d'autres crimes,
nous sommes perdus et notre unique peine,
est que sans espoir nous vivons en désir".
Sans espoir ici-bas, voilà bien la pierre d'achoppement des disgressions chrétiennes.
Rédigé par : Le Pilier de Mine | 13 février 2009 à 09:08
Pourtant, être un homme de désir... c'est indispensable, non ?
Rédigé par : Caritate Libertas | 13 février 2009 à 09:50
Le problème est de savoir si nous sommes des "êtres de désir" ou des êtres "dans le désir de l'Autre". Autrement dit, soit il y a un élan vers l'objet de désir, soit il y a un abandon de son état à celui d'objet du désir de l'Autre.
L'abandon nécessaire à l'accomplissement du désir de l'Autre n'est pas le gage de l'assouvissement de son propre désir ; il peut au mieux maintenir l'équilibre précaire d'une disposition psychique à un moment donné et satisfaire un besoin, une nécessité du moment mais non un désir.
Le sentiment religieux ou l'amour d'un dieu, est un abandon de cet ordre, où l'Autre est identifié à un "Grand Autre" et son désir d'autant plus impérieux.
Il ne faut pas imaginer que cette vision dichotomique est une opposition formelle ; voilà deux états qui renvoient à des positions au monde, parallèles. Cela explique pourquoi, la Foi n'aime rien moins que les tièdes, les neutres, les agnostiques. Cela met en lumière la place toujours plus congrue que nos sociétés laissent au scepticisme et la diabolisation appliquée dont platon en son temps a gratifié les sophistes.
Il faut être pour ou contre, et donc ipso facto donner corps au désir de l'Autre, car l'on peut te placer alors au paradis ou en enfer : mais que faire des neutres, de ceux dont le désir ou le non-désir de l'Autre ne s'affirme pas et reste suspendu au "je ne sais pas".
C'est pour cela peut-être que Dante lui-même leurs "bricole" une place "aux portes de l'enfer" :
«Cet état misérable est celui des méchantes âmes des humains qui vivent sans infamie et sans louange et qui ne furent que pour eux mêmes […] Les cieux les chassent, pour n’être moins beaux et le profond enfer ne veut pas d’eux, car les damnés en auraient plus de gloire»
"Toi qui entre ici abandonne toute espérance". A rester ainsi à la porte nous gardons au moins l'espoir contenu dans notre désir, celui de l'impétrant par exemple qui ne devrait attendre d'autres révélations ou distinctions que l'écho de sa démarche sur un chemin qu'il lui appartient de désirer avant tout.
Toute lumière commence par révéler ton ombre.
Rédigé par : Le Pilier de Mine | 13 février 2009 à 10:47
additif : Camus a disgressé sur ce positionnement avec pertinence, même s'il n'en considerait que la partie sociétale.
Rédigé par : Le Pilier de Mine | 13 février 2009 à 12:13
La première fois que j'ai rencontré ce concept "homme de désir", c'était, il y a fort longtemps, dans un ouvrage de Jean Servier, L'Homme et l'Invisible. Depuis lors, j'ai eu tout le loisir d'y songer et de mesurer son importance, au cours de mon parcours, que tu connais, car il fait partie intégrante de notre cheminement, associé au courage qui précède l'action.
Rédigé par : Caritate Libertas | 13 février 2009 à 15:07