Qui me l'a soufflé, ce mot-là ? Eh non, ce n'est pas mon philosophe habituel, cette fois c'est Alexandre* !
Mais kesako l'acrasie ? C'est un concept philosophique, aussi appelé "incontinence", qui consiste à agir à l'encontre de son meilleur jugement. Faiblesse de la volonté, incapacité à être fidèle à ses résolutions, absence de pouvoir sur soi, contradiction entre sa pensée et son action, entre ce que l'on croit bon et de ce que l'on fait, opposition entre désir et raison.
C'est la cata, me voilà abattue pour le reste de ma vie !
Allons donc visiter les philosophes, avec l'espoir d'en rencontrer un qui va me sortir de ce paradoxe que je trouve aliénant.
Selon Spinoza, si nos actes sont dans la continuité de "ce que nous avons jugé bon de faire", il n'y a pas d'effort à faire, il n'est pas nécessaire d'exercer une volonté puisque c'est la raison qui guide. Bien. Oui mais... sous l'emprise de la passion, où est la raison ? La volonté peut-elle encore s'exercer ? Que devient la logique qui voudrait que l'on privilégie ce qui nous est agréable ? Existe-t-il une liberté du choix ?
Camus va jusqu'à envisager qu'à la limite l'acrasie peut conduire au suicide, et il n'est pas le seul, si l'on se réfère à Goethe qui considère le suicide non comme un acte libre, mais un impérieux besoin, seule façon de sortir de l'enfermement (de l'entonnoir).
Je préfère revenir à Spinoza, qui me tire plus souvent vers le haut que vers le bas, et réfléchir sur l'importance du conatus (effort qui augmente chez l'étant sa puissance d'être).
« On ne désire pas une chose parce qu'elle est bonne, c'est parce que nous la désirons que nous la trouvons bonne. »
Si c'est le désir qui produit la valeur, alors pourquoi se torturer les méninges ? Il n'empêche que j'ai le sentiment de me compliquer l'existence en tentant de comprendre ce concept d'acrasie. Moi qui espérais que j'allais ainsi "améliorer" un peu mon moral... Je m'y reconnais trop peut-être. Pourvu que je ne finisse pas comme l'âne de Buridan !
Quand on est dans l'entonnoir, pourquoi ne pas se diriger vers la partie haute plutôt que vers le bas, afin d'avoir une vision claire de l'action à avoir envers les éléments inférieurs ? Ce serait probablement un acte libérateur. Mais encore faudrait-il que l'acrasie ne soit pas un manque de vision et de compréhension des forces qui nous agitent.
"Ainsi, lorsque des désirs s’opposent en moi, je peux prendre le temps de délibérer pour essayer d’intégrer dans ma vie le terreau sur lequel s’épanouira le grand désir, le vrai qui m’habite, celui de goûter la joie dans la liberté. Si le désir peut nous aliéner, c’est aussi lui qui peut nous délivrer."
Je partage ces mots d'un inconnu, que je vais tenter de faire miens, en continuant mes cogitations toute seule dans mon coin.
* Alexandre Jollien, Le Philosophe nu, Seuil, 2011.
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