« J'arrivais au Divan (en mai 1891), descendant d'un fiacre découvert qui m'apportait du Moulin Rouge toute habillée, toute maquillée. Quelques fidèles du Moulin suivaient mon fiacre, pour venir au Divan m'écouter dans un tout autre répertoire, car au Moulin, entre huit et neuf, c'était une clientèle de petits commis du quartier, et je n'osais pas risquer ces mêmes couplets que j'offrais à la clientèle artiste des peintres, sculpteurs, écrivains qui se réunissaient chez Jehan Sarrazin. Pour fêter ma venue, Sarrazin faisait deux soirées : une, de huit à dix, avec ses artistes ; une autre, de dix à douze, soirée d'Yvette. Imaginez une petite salle de café de province, basse de plafond, et pouvant contenir, en les tassant, cent cinquante à deux cents personnes. On y chantait. Une estrade plantée au fond de la salle à 1,50 mètre du sol, ce qui m'obligeait à faire attention de ne point lever les bras sans besoin absolu, car alors mes mains se cognaient au plafond, ce plafond où la chaleur de "la rampe" à gaz montait si forte qu'elle nous mettait la tête dans une fournaise suffocante ! Les chanteurs n'y séjournant que cinq à dix minutes s'en tiraient, mais moi, c'était cinquante à soixante minutes qu'il me fallait endurer ce supplice, lequel, terminé, m'obligeait "à me sécher" une demi-heure, avant d'oser affronter l'air froid de la rue, collée que j'étais, dans ma robe, les cheveux ruisselants de sueur » (Y. Guilbert, la Chanson de ma vie).
« Je ne suis pas une femme d’intérieur, je ne sais pas cuisiner, je ne sais pas faire le ménage. Je suis une nullité… Un jour j’ai dit à maman, j’avais sept ans, je veux devenir religieuse... Quand maman m’a demandé d’apprendre l’accordéon, j’ai mis trois ans à regretter, à pleurer mon piano. Et puis un jour je me suis dit : à l’accordéon, on peut faire de belles choses aussi… Si je joue un morceau populaire, ce ne sera pas vulgaire, je le jouerai comme un morceau classique… Comme une élève, je fais ma toilette des doigts tous les jours avec des exercices… Au bout de dix jours de vacances, dix jours sans musique, je ne me sens pas équilibrée… J’ai fait onze fois le tour de France… C’est Jean-Paul Gaultier qui m’a appelée. C’est un homme charmant. Il m’a fait des robes somptueuses qui, en plus, me permettaient de jouer de mon instrument sans difficulté... Je suis comme Descartes, j’ai des doutes… Je me demande toujours si je vais faire l’affaire, si je serai à la hauteur… Si je dois passer un concours, je sais que je le remporterai. Mais je ne le dis pas, ça passerait pour de la prétention, et c’est pas mon genre. Je n’ai pas du tout la grosse tête… Il faut que ce soit correct, brillant et, si possible, joué à la perfection. C’est ça le petit pincement quand vous entrez sur scène... La musique et l’amour. Surtout l’amour. C’est la chose la plus importante dans la vie… J’ai beaucoup de respect pour les gens. Je suis honnête. Et ils le sentent bien… J’aime pas les bla-bla… Si c’était à refaire, je reprendrai la même vie. J’ai de grands, de beaux souvenirs avec des musiciens importants. Non, je ne changerai rien… Si j’avais eu des enfants, j’aurais été malheureuse de ne pas avoir le temps de les voir… On vivrait deux vies qu'on apprendrait toujours… Continuer à faire de la musique… » (Y. Horner, extraits d'interviews).
Et si vous n'aimez pas l'accordéon, si vous n'aimez pas être enfermés dans une salle de spectacles, et surtout si vous préférez le recueillement au blablatage, allez vous promener le long de l'Yvette, charmante rivière française qui traverse le département de l'Essonne, et celui des Yvelines qui cache bien des trésors ! La maison Elsa Triolet-Aragon organise des expositions de peintres, sculpteurs, photographes, et les rencontres du moulin, sur le thème de la poésie, de la lecture, de l'écriture, de la musique. J'irais volontiers y faire un tour au printemps... Au printemps et mon coeur et ton coeur sont repeints au vin blanc !
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