« Courtois », pourquoi ai-je un tel rejet de ce qualificatif ?
Pourtant, l’adjectif « courtois », de l’ancien français cortois, « qui appartient à la cour », qualifie ce qui est conforme à l’idéal de la chevalerie, au code des trouvères et des troubadours ; par extension est courtois celui qui est distingué, poli, raffiné… Tout pour me plaire a priori !
Ainsi, l’amour courtois (fol'amor ou fin'amor, dit l’expression médiévale occitane) est la façon réglementée de se comporter en présence d’une femme de qualité. La tradition de l'amour courtois fut particulièrement répandue dans l'Europe médiévale, notamment en Occitanie et dans le Nord de la France à partir du XIIe siècle grâce à l'influence de protectrices comme Aliénor d’Aquitaine et la comtesse de Champagne Marie de France. Je laisse à notre historien spécialiste du Moyen-Âge le soin, s’il le veut bien, de nous apporter ses lumières sur le sujet (merci d’avance).
L’amour courtois désigne l’amour profond et véritable entre un prétendant et sa dame de cœur : l'homme doit être à l'affût de ses désirs et lui rester fidèle. Cet amour hors mariage est chaste et désintéressé sans être platonique, car ancré dans les sens et le corps autant que l'esprit et l'âme. Le désir de l’amant grandit sans cesse et reste inassouvi. Il s’adresse souvent à une femme inaccessible, lointaine, qui feint l'indifférence. Son tourment est à la fois plaisant et douloureux. Et c’est ainsi qu’une femme mariée peut laisser parler son cœur si elle est courtisée « courtoisement ».
La dame pouvait imposer à son amant un rite nommé assag (ou ensag, « essai), suprême épreuve du fin’amor : les deux amoureux couchaient nus sans se toucher. Waouh !
« Oh non, n’accomplis pas ta promesse de m’aimer, de peur que vienne l’oubli ! »
Pour Georges Duby, l’amour courtois est un jeu où les jeunes hommes maîtrisent leurs pulsions et leurs sentiments ; et où la femme est une proie.
Mais nous ne vivons plus au Moyen-Âge. L’amour courtois n’a plus de raison d’être. Reste l’adjectif « courtois », que l’on emploie au sujet d’échanges oratoires, où l’on évite de blesser l’adversaire ; au sujet de personnes et de leur manière d’être, faite de politesse, d’amabilité…
Je ne peux m’empêcher de trouver à ce qualificatif une connotation péjorative, à tort probablement. Nous ne vivons plus à une époque où la courtoisie court les rues (que l’on nettoie plutôt à coups de karcher), et l’utilisation de ce mot me semble parfois relever de la plus parfaite hypocrisie, ou tout au moins d’une manière non franche de s’exprimer. Bien sûr, il peut sembler préférable, si nous avons des choses désagréables à dire, de le faire avec ménagement… pour mieux faire passer la pilule. Mais est-ce à tort ou à raison ? Ne vaut-il pas mieux être d’une franchise absolue avec son interlocuteur, d’éviter les non-dits, pour que ne puisse s’instaurer aucun quiproquo ? Il ne s’agit pas bien entendu de clamer haut et fort dans la rue à un inconnu qui passe, ou à son voisin de bistrot, qu’il a une tête de con et qu’il ferait mieux d’aller se faire voir ailleurs. Non, je fais référence aux rapports entre personnes qui se connaissent, qui ont des échanges amicaux ; et je me pose la question : La courtoisie est-elle pratiquée par certains pour éviter les conflits ou les rejets (d’aucuns diraient évictions) ? par politesse ? par ménagement ? ou par quoi d’autre ?
Je déteste être traitée avec courtoisie… et je sais - enfin - pourquoi. Je me sens si ce n'est rabaissée, humiliée, en tout cas tenue à distance...
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