Nous habitions tous deux la même ville
Et notre école était la même aussi
Le soir venu les garçons et les filles
Sur le trottoir discutaient en amis
Tu étais le costaud de première classique
J'étais une cigale au coeur plein de chansons
Le bac nous paraissait l'examen diabolique
Qu'll fallait réussir pour le qu'en-dira-t-on.
L'école s'appelait le lycée Condorcet, philosophe picard dont le vrai nom était Marie Jean Antoine Nicolas de Caritat, marquis de Condorcet ; je savais déjà en ce temps-là que j'utiliserai un jour son pseudo pour le faire mien ! J'entrai en sixième l'année de sa construction, les abords n'en étaient pas terminés et, cet automne-là, humide comme il se doit (mon père disait qu'il faisait toujours un temps couvert avec éclaircies pluvieuses), nous étions crottées jusqu'à mi-mollet. Le port du pantalon n'avait pas cours chez les filles, et les bottes non plus. C'est ainsi que nous avions les collants, ou plutôt les bas (retenus par un porte-jarretelles, s'il vous plaît) maculés de taches de boue, dès le matin, et nous restions ainsi jusqu'à ce qu'elles sèchent et se détachent, s'éparpillant sur le sol des classes en petits tas qui finissaient en poussière. Je ne sais si c'est l'idée que je m'en fais, ou si c'est la réalité, une chance ou un hasard, mais j'ai le souvenir d'y avoir eu d'excellents professeurs ; j'ai le souvenir d'un prof de géographie qui m'a fait dès mon jeune âge aimer le monde, m'a donné envie de connaître d'autres horizons, d'autres cultures. J'ai le souvenir d'un prof d'anglais qui, toute une année de classe de seconde, ne nous a enseigné que du vocabulaire ayant trait à la marine ; même en français, nous ne savions pas ce que les termes représentaient ! J'ai le souvenir d'un prof de latin, qui trafiquait les mots français pour leur donner une apparence latine, bien avant Jean Yanne : degringolavit de brancha in brancham et fescit pouf, par exemple. J'ai le souvenir d'un prof de math qui m'a communiqué la passion de cette discipline, au point d'en faire la nuit, le week-end, les vacances, par pur plaisir.
Et j'ai surtout le souvenir de celui qui fait que de tout temps j'ai aimé notre belle langue, m'apprenant à la pratiquer dans le respect de l'orthographe, de la grammaire, m'incitant à connaître l'étymologie des mots... Et aujourd'hui, j'en suis fière.
Je me berce peut-être d'llusions mais je crois que les élèves d'alors avaient plus d'attirance pour les études qu'aujourd'hui, plus de respect pour les professeurs, plus de curiosité pour apprendre.
Aujourd'hui, alors que le ministre de l'Education nationale a mis en place une Conférence nationale sur les rythmes scolaires, la Fédération indépendante et démocratique lycéenne appelle à "repenser" la journée de classe des lycéens en diminuant le nombre d'heures et en réorganisant le rythme de la journée : cours magistraux le matin, activités sportives, culturelles, sociales... l'après-midi. Il est vrai que nos chères têtes blondes sont épuisées par la lourdeur des programmes ; il suffit de voir leur haut niveau dans la plupart des matières, leur maîtrise parfaite de la langue française, leur connaissance de l'histoire et de la géographie ne serait-ce que de leur pays... pour comprendre qu'il est devenu indispensable d'alléger leurs programmes. Sur les heures gagnées, on pourra peut-être ainsi leur inculquer des rudiments de civisme, de politesse, de respect, et d'autres valeurs que l'on ne rencontre plus que rarement.
Mais mon but n'est pas aujourd'hui de polémiquer sur l'Education, nationale ou parentale. Il paraît qu'en France, tout finit par des chansons, cette note ne peut y faillir :
Adieu monsieur le professeur
On ne vous oubliera jamais
Et tout au fond de notre coeur
Ces mots sont écrits à la craie
Nous vous offrons ces quelques fleurs
Pour dire combien on vous aimait
On ne vous oubliera jamais
Adieu monsieur le professeur...
c'est le sinistre de l'education
Rédigé par : yanneck | 20 août 2010 à 23:03
Bel hommage rendu à ce professeur.
Je n'enseignais pas (ou si peu) mais j'ai entendu cette chanson lors de mon départ en retraite par tous les élèves et je t'assure que c'était très émouvant.
Rédigé par : Heleanne | 21 août 2010 à 00:47
"Tu étais le costaud de première classique"... ces paroles sont d'une chanson de Marie-Josée Neuville, qui eut un immense succès (éphémère) entre 1958 et 1963, puis disparut du monde de la chanson. Elle composait, écrivait les paroles et s'accompagnait à la guitare. Elle devait au début avoir dans les quinze ans : "la collégienne de la chanson" était son surnom. Elle doit à présent avoir 72 ans, cette collégienne. Porte-t-elle encore des nattes ?
Rédigé par : Grincheux Grave | 21 août 2010 à 11:03
J'ai trouvé la chanson de Marie-José Neuville ( Nous habitions tous deux la même ville
Et notre école était la même aussi)
: "gentil camarade"
http://www.youtube.com/watch?v=ejxlEeCXF_8
Rédigé par : Grincheux Grave | 21 août 2010 à 11:08
Je reviens encore sur Marie-José Neuville et sa chanson "Gentil camarade" que je viens d'écouter. A la fin elle dit :
"Avant de devenir des grincheux mécontents, exaltons notre joie de vivre, la la la la la la..."
Rédigé par : Grincheux Grave | 21 août 2010 à 11:11
Puis-je m'imiscer ?
Petits-fils d'instituteurs, fils de professeur, ce texte me plait beaucoup tant par le fond que par la forme.
Un sujet hier aux infos sur les projets de nouveaux rythmes m'attirait le même commentaire intérieur, depuis mon lointain Ouagadougou: le niveau actuel des collégiens et lycéens en France doit être vachement balaise pour que l'on puisse tester un allègement des horaires pour les matières fondamentales !
Evidement les élèves interrogés étaient tous d'accord ...
J'imagine que pour le sport le base-ball sera à la mode et que pour les matières culturelles l'islam sera à l'honneur, n'est-ce pas Grincheux ?
Moi aussi j'ai toujours en mémoire certains instituteurs et professeurs.
Rédigé par : Dominique | 21 août 2010 à 12:06
Décidément ! Je passe en revue le répertoire de... Marie-José Neuville. Je trouve sur YouTube une chanson intitulée "par derrière, par devant" : http://www.youtube.com/watch?v=jEI5wRzI4cc
Par une gamine en nattes et jupe plissée à la fin des années cinquante ! Mais on n'avait pas l'esprit mal tourné. Soeur sourire chantait "Dominique, nique, nique" avec la bénédiction de son évêque.
Si vous faites une recherche "Marie-José Neuville" dans YouTube on vous propose colonne de droite un choix de vidéos dont une est "Ejaculation faciale" et une autre "Sodomisation". Changement d'époque.
Rédigé par : Grincheux Grave | 21 août 2010 à 13:28
Je me demande pourquoi l'expression "nos chères têtes blondes" (que tu as employée) n'est pas encore tombée sous le coup d'une protestation véhémente du Cran et de la Halde.
Rédigé par : Grincheux Grave | 21 août 2010 à 13:37
Décidément, mon billet de ce jour risque des coups de bâton : de la Halde et du Cran pour les chères têtes blondes, du Vatican pour des suggestions sodomites et autres déviances sexuelles à but non procréatif, des musulmans pour port de jupes plissées et cheveux découverts, des nains pour... mais non, les nains sont tolérants, eux !
Rédigé par : Caritate | 21 août 2010 à 13:53
Le Nain n'aime pas l'école, les enfants sont trop méchants. Il en garde un souvenir d'une longue torture. Il y a trouvé ses amis, les livres, car ceux-ci lui ont permis d'échapper à un monde qu'il ne comprenait pas.
Rédigé par : Le Nain | 21 août 2010 à 14:45
Je dois avoir dans une malle au grenier un (ou des) 33 tours de Marie-Josée Neuville ; j'ai bien envie de réécouter toutes ses chansons, après m'être délectée de "Par derrière, par devant", merci GG !
Rédigé par : Caritate | 21 août 2010 à 15:05
C'est vrai : le nain n'est pas méchant. Le nain est curieux et, comme on dit de nos jours, "intrusif"... il ne cesse de mettre son nez dans les affaires des autres.
En juin j'ai assisté à une animation de quartier avec stands, musique, jeux. il y avait deux types sur échasses. L'un s'est planté à côté de moi devant une femme, celle-ci s'est exclamée "Oh, que vous êtes grand monsieur!"
L'échassier a répondu du tac au tac (on sentait qu'il n'en était pas à son premier coup) : "Mais non Madame, pas si grand que ça : juste à bonne hauteur, voyez-vous !". C'était tout vu.
Rédigé par : Grincheux Grave | 21 août 2010 à 16:45
Les nains n'ont pas une minette à perdre !
Rédigé par : Caritate | 21 août 2010 à 17:06
Je ne garde aucun souvenir de mes années scolarisées des autres élèves. J'en ai bavé à ma façon (était un peu grosse et une mère allemande était pour ces Français travaillant en Allemagne une tare. J'étais présent quand ils ont insulté mon père pour avoir épousé ma mère). A partir de la CM1 ou CM2, mon école était la maison avec le CNED et mon prof mon père.
Mes amis sont les livres, mes chiens et la Nature (même si celle-ci est source d'allergie).
Bon samedi
Rédigé par : Helene | 21 août 2010 à 18:08